Lettre ouverte à mon frère Kémi SEBA
Cher frère,
C’est avec un grand plaisir que je t’écris cette lettre, suite à ton appel à la mobilisation générale contre le franc CFA, le 16 septembre 2017. Je ne suis pas un économiste, ni un surdoué des questions monétaires et financières. Mais, lorsque je constate la gestion catastrophique des ressources de mon pays le Tchad, lorsque j'observe le népotisme qui le gangrène, lorsque je vois cette mainmise clanique et familiale sur la quasi-totalité de l’administration tchadienne ; je ne peux que te conseiller de lire le récent rapport de l'ONG Internationale SWISSAID publié en juin 2017 et intitulé : « Le Tchad SA ». Ainsi que le rapport d’Amnesty International publié aujourd’hui même, 14 septembre 2017, intitulé « Entre récession et répression. Le coût élevé de la dissidence au Tchad ».
Dès lors, je me pose les questions suivantes : Qui mettra en place l’organe chargé de créer la nouvelle monnaie africaine ? Qui aura la légitimité d’organiser les réunions préliminaires ? Qui seront les participants ? Qui sera à la tête de cet organe ? Comment s’organisera son contrôle ?
Je n’ai pas la réponse à ces questions, mais je suppose que les actuels dirigeants auront leur mot à dire au vu de leur expérience et longévité au pouvoir. Car, je te rappelle que pour l’Afrique Centrale avec les 5 pays producteurs de pétrole : Tchad : Idriss DEBY ITNO = 28 ans au pouvoir; Congo : Denis Sassou-Nguesso, 13+20 = 33 ans; Cameroun : Paul Biya, 34 ans ; Guinée Équatoriale : Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, 38 ans; Gabon : Famille Bongo, 50 ans (un demi-siècle !).
Les banques de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) font face à un déficit de trésorerie sans précédent. Et c’est nous, populations de ces pays qui souffrons de cette situation. Dans nos pays où l'expression « alternance politique » peut être assimilée à une tentative de coup d’État. Où la corruption de nos élites ruine tout espoir de développement. Où les polices politiques veillent en permanence et répriment avec violence toutes contestations.
Car, bien qu’ils n’aient pas la mainmise totale sur le franc CFA, certains dirigeants africains l’ont détourné par centaine de milliards. Ils mènent un grand train de vie au détriment des populations et tu as pu probablement le constater par toi-même sur le terrain. Ils organisent avec leurs familles la fuite des capitaux en convertissant ce même franc CFA en devises pour acquérir des biens immobiliers à l’étranger. Ils ont organisé le braquage des Trésors Publics nationaux et vider leurs coffres forts des francs CFA qu'ils contenaient.
A qui souhaiterais-tu concrètement donner le pouvoir de battre cette monnaie ? Actuellement, le Gouverneur de BEAC (Banque des États de l’Afrique Centrale), ainsi que le vice-gouverneur, sont respectivement neveux du président tchadien et du président camerounais.
Si tu penses que nos malheurs sont pour une partie dus au franc CFA, reconnais qu’une immense partie des dirigeants africains sont responsables de l’insolvabilité de nos pays. Dès lors, comment ne pas craindre qu’une fois le contrôle total sur cette future monnaie africaine, l’on n’assiste pas à une autre forme de dérive de leur part. Donne-moi une et une seule bonne raison de ne pas être méfiant à leur égard.
A la lumière de ce qui précède, je t’informe mon frère que je participerai pas à cette marche contre le franc CFA.
Prends soin de toi frangin,
Sahibi
N'Djamena, le 14 septembre 2017