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Les Transformateurs transformés en ennemis

par Ndengar Masbé 26 Octobre 2022, 11:51 dialogue Transformateurs Succès Masra Tchad

Les Transformateurs transformés en ennemis

Après avoir refusé de participer au Dialogue, les Transformateurs ont vécu l’odyssée. Ils ont été gazés dans les quartiers ; flagellés dans les rues de la capitale et gardés à vue dans plusieurs commissariats de police. Le tout couronné par une convocation judiciaire servie à leur champion Masra Succès par le procureur. Le film du drame.

On le savait tous. Le président de la transition, Mahamat Idriss Deby, nourrit le cynique dessin de s’octroyer un bail présidentiel. Les subterfuges et autres manigances corroborés par les achats de conscience d’activistes et des militants des partis politiques sont les prémices d’un souhait à moitié dévoilé. Mais le peuple a compris et surtout les Transformateurs qui ont tiré la sonnette d’alarme, ont payé cash le prix de leur clairvoyance à coup de larmes. Ils sont pris pour cible à battre et à abattre au sens propre du terme. Sinon, comment comprendre que dans un contexte de dialogue qui est par essence une période fragile le pouvoir déploie les forces de l’ordre lourdement armées, encercler le siège d’un parti politique sous le fallacieux argument de leur refus de participer au dialogue.

Ce qui s’est passé le 1er septembre 2022 au lever du soleil est une prise d’otage. Blocus du siège, tirs de gaz lacrymogènes, refus d’apporter assistance aux personnes enfermées dans les bureaux sans nourriture ni eau… c’est un acte inhumain et criminel. Le même rituel sanglant s’est reproduit ce matin du 9 septembre où Succès Masra, accompagné par une marrée humaine, se rendait au palais de justice de N’Djamena pour répondre à la convocation qu’il a reçue à la veille. Vêtu de blanc et bleu, du haut de sa voiture, le leader des Transformateurs se fait escorter par un essaim d’humains. Sous une fine pluie matinale, ses supporters répètent à tue-tête « justice, égalité ». L’adrénaline monte ! La foule est déterminée à protéger son leader, et prête à donner sa vie pour le protéger.

A pas de course, en chantant tout en pataugeant dans les eaux boueuses et sales qui jonchent les rues de N’Djamena, la foule fonce vers le palais de justice. Elle sera stoppée net par les forces de l’ordre avant la destination. Pluie de gaz lacrymogènes sur les accompagnateurs du président Masra Succès. Certains policiers ont fait mention de tirs à balles réelles. Les jeunes militants et sympathisants du parti Les Transformateurs ont replié au niveau de leur siège sis au quartier Abena. Ce jour-là, Abena s’est transformé en un camp de bataille. Le quartier est noir de fumée de gaz lacrymogène qui monte très haut dans le ciel.

Blessures, tortures, cassures, arrestations, asphyxie

Voilà ce à quoi les habitants de ce quartier avaient droit. Les gaz lacrymogènes atterrissaient de partout sur le siège dont certains croyaient être en feu. Les locataires étouffent…suffoquent… Dépassé par la situation, Masra avec une voix à peine audible, lance entre une salve de toux, un SOS à l’endroit de la communauté internationale : « à l’aide, à l’aide, à l’aide, je suis Succès Masra. Ils vont nous tuer tous ! Je suis retranché au siège. A l’aide. Faites passer ce message au secrétaire général des Nations Unies et aux partenaires du Tchad. J’étouffe ». Un cri de détresse semblable à celui de Yaya Dillo : « ils ont tué ma mère ». Tous les yeux étaient rivés sur le siège des Transformateurs d’où est parti le message whatsapp de détresse de Succès Masra. N’Djamena retient son souffle.

Pendant ce temps, au dehors, à mains nues, les jeunes résistent à la horde de policiers qui font montre d’une violence inouïe. Courses poursuites, jets de cailloux, lacrymogènes, matraques…véritable intifada en plein cœur de N’Djamena ! Voilà l’ambiance dans laquelle se déroule le dialogue. Quoi de bon peut-on attendre d’une telle messe ? Le Tchad, un Etat à la croisée de chemin, ressemble à un pays avec un cœur sans espoir. C’est 17 mois de transition après que les Tchadiens se sont rendu finalement compte de la détresse de leur pays qui est comme une nuit sans fin…un pays au bord de l’effondrement social et politique. Un pays où le fils s’installe sur le fauteuil de son père est à craindre, car il serait difficile de connaitre son avenir, son futur et son destin. 17 mois de tâtonnement pour ne pas dire de retour en enfer dans un pouvoir de fer.

Cet article a été publié dans le journal Le Baromètre N°027 du 12 au 22 octobre 2022, P6

Masbé NDENGAR

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