DÉCLARATION LIMINAIRE DU COLLECTIF PANAFRICAIN POUR LE TCHAD
7 novembre 2022, Centre National de Presse Norbert Zongo (Ouagadougou)
Mesdames et messieurs les journalistes,
Merci à vous toutes et tous qui avez effectué le déplacement ce matin en ce haut lieu qui symbolise la lutte pour la liberté, le Centre de Presse Norbert Zongo, pour répondre à notre invitation.
Comme vous le savez, le jeudi 20 octobre 2022, le peuple souverain du Tchad, conscient des velléités de prolongation du mandat du Général Mahamat Idriss Déby Itno, Président de la Transition tchadienne, a courageusement investi les rues de N’Djamena et des autres villes du pays, entre autres, pour exprimer sa désapprobation et réaffirmer son attachement à l’Etat de droit et aux valeurs de l’alternance démocratique. Cette manifestation pacifique n’est rien d’autre qu’un exercice légitime d’un droit : celui de la liberté de manifester, garanti par les textes internationaux de protection des droits de l’homme.
Or, la junte au pouvoir au Tchad, dans une barbarie inouïe, sans le moindre état d’âme, a décidé de répondre à l’action citoyenne pacifique du peuple tchadien par une répression féroce, sauvage et inhumaine qui a couté la vie à des centaines d’innocents et a grièvement porté atteinte à l’intégrité physique de milliers d’autres. Nous voudrions à cet instant même, vous demander d’avoir une pensée pieuse pour ces hommes, femmes et enfants tombés les mains nues, face à une horde de soldats déchainés, toujours assoiffés du sang de leur peuple. Nous vous demandons de vous mettre debout afin qu’ensemble nous puissions observer une minute de silence en leur mémoire.
Mesdames et messieurs les journalistes,
En ces moments tristes et douloureux, le Collectif Panafricain pour le Tchad, regroupement de plusieurs organisations et mouvements politiques panafricains qui ont décidé de se solidariser pour donner de la voix et briser le mur du silence face aux folies meurtrières du Président Déby-fils et de son clan, présentent leurs condoléances les plus attristées aux familles des martyrs tombés et formulent des vœux de prompt rétablissement à tous les blessés de cette boucherie humaine.
Il est triste de constater que les vieux démons de la tyrannie sont toujours présents au Tchad, incités et encouragés par la junte au pouvoir, régnant par la terreur et l’oppression et ce, avec la bénédiction et l’onction de certaines puissances occidentales maniaques de jeux d’intérêts abjects et de la complicité d’organisations africaines observatrices du triste sort du peuple tchadien.
Les autorités tchadiennes coupables de ces crimes poussent l’outrecuidance jusqu’à empêcher des parents de victimes de retirer les dépouilles mortelles des membres de leur famille pour les ensevelir dans la dignité. Des dizaines de familles sont toujours sans nouvelles de leurs parents enlevés. Plus de mille personnes sont ainsi portées disparues.
Quand est-ce que l’armée et la police tchadiennes comprendront enfin que leur rôle n’est pas de protéger des tyrans, mais plutôt de protéger le peuple tchadien contre tous les assassins qui veulent le bâillonner ?
En ces douloureuses et consternantes circonstances, les organisations signataires de la présente déclaration liminaire, éprises des valeurs et principes de la démocratie, de la solidarité, de la fraternité, d’égalité, de la justice et du respect de la dignité humaine, et engagées résolument dans la défense des droits humains et des libertés sur le continent :
• condamnent et dénoncent avec la plus grande fermeté, et ce sans concession aucune, la boucherie de la junte au pouvoir au Tchad, et proclame l’indignité de cette junte à continuer de présider aux destinées du pays ;
• expriment leur profonde et indéfectible solidarité et soutien au peuple libre et souverain du Tchad en lutte pour la défense des valeurs de la démocratie, de l’égalité et de la justice ;
• rappellent à la junte au pouvoir ainsi qu’à ses sbires serviles qu’ils répondront tous devant l’Histoire et devant la justice de cette barbarie si elle se fait des illusions sur de prétendus soutiens de puissances africaines et occidentales qui, en réalité, ne sont que des félons prêts à abandonner en plein vol les dictateurs sans foi ni loi qui n’hésitent pas à ouvrir le feu sur leurs propres populations aux mains nues ;
• exigent la libération immédiate et sans condition de toutes les personnes arrêtées et toujours détenues arbitrairement en divers endroits du pays, ainsi qu’une commission d’enquête indépendante et crédible pour faire toute la lumière sur les exactions commises.
Mesdames et messieurs les journalistes,
Nous ne comprenons pas d’où viennent cette méchanceté et cet acharnement contre son propre peuple que l’on a juré de protéger. Mais notre conviction est faite que pour que passent les libertés, la démocratie et le droit à la vie, les fossoyeurs de la liberté et tous les criminels qui souillent les terres africaines de leurs mains tâchées de sang, ne doivent pas demeurer dans l’impunité.
C’est pourquoi, nous appelons l’Union africaine à mettre en place urgemment une Commission d’enquête indépendante pour faire toute la lumière sur les massacres du 20 octobre et sanctionner les coupables de ce drame à la hauteur de leur forfait. Nous invitons par ailleurs, les autorités tchadiennes à initier urgemment un dialogue inclusif et sincère avec les forces vives du Tchad, sous l’égide de l’Union africaine.
C’est le lieu pour nous d’interpeller toutes les organisations de défenses des droits humains sur le continent à exiger la lumière sur le drame du Tchad.
Nous réitérons enfin notre soutien au peuple tchadien en lutte, et notamment à nos frères tchadiens vivants ici au Burkina Faso ; nous leur disons que nous comprenons et nous partageons leurs douleurs. Nous voulons que le peuple Tchadien sache que les peuples frères d’Afrique ont ressenti partout sur le continent la gifle sanglante qui leur a été infligée.
Cher-e-s frères et sœurs Africains du Tchad, vous n’êtes pas seuls ! Les héritiers du combat de Lumumba sont avec vous. Les continuateurs de l’œuvre de Sankara sont aussi avec vous. Les dignes fils du combat de Modibo Kéita vous soutiennent. Les peuples fiers et dignes de Kwamé Nkrumah, de Nelson Mandela, de Marien N’Gouabi, d’Amilcar Cabral, de Myriam Makeba, de Frantz Fanon, de Cheickh Anta Diop, sont avec vous.
Séchez vos larmes. Maintenez le cap, gardez le courage, poursuivez le combat avec abnégation, et ne perdez jamais l’espoir de voir un jour le peuple tchadien débout, fier, démocratique, moderne, prospère, libre, puissant et respecté dans une Afrique unifiée, elle aussi libre, puissante et respectée dans le concert des Nations.
L’Afrique entière vous soutient dans votre combat et dans vos aspirations justes et légitimes.
Vive la solidarité africaine,
Vérité et justice sur le drame du 20 octobre,
Pour le Collectif Panafricain pour le Tchad
• Le Cadre deux heures pour Kamita
• La Ligue Panafricaine Umoja
• La Génération Cheikh Anta Diop