Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

« Quand passeront nos douleurs »

par Ndengar Masbé 20 Février 2024, 17:56 roman littérature douleurs terrorisme Burkina Faso

« Quand passeront nos douleurs »

Dans son profond sommeil, Siema reçoit un visiteur dont elle a du mal à dresser le portrait : « en effet, je dormais, quand dans mon sommeil, je vis un visage mi-ange, mi-humain, mi-connu, mi-inconnu. Bref, c’était vraisemblablement un visage humain par-dessus tout », p14. Ce futur funeste, Siema, âgée de 11 ans, va l’endurer avec sa famille.

En effet, c’est un vendredi, peu avant midi, que la vie de Siema va basculer à jamais. La horde de malfrats, enivrés par le mal ont mis à feu et à sang Kàlmàanma, village autrefois paisible de Siema. Un beau village qui renvoie de l’air frais, puisé dans la nature verdoyante et surplombé par une colline qui lui restitue toute sa splendeur. Mais cette tranquillité paradisiaque a cédé place à la terreur, contraignant les habitants à ’’l’exil’’. Un voyage vers l’inconnu et l’incertitude. Une inquiétude dans un monde d’étourdissement où le rêve est devenu cauchemar.

Dans une folle course de survie, ils arrivent à Nùngu où la jeune fille découvre une autre vie. Sur le site des déplacés où se joue un drame humanitaire, il manque de tout. Pourtant, de l’autre côté de la ville, l’abondance est insolente.

Dans ce roman de 94 pages tissé en 9 chapitres, le narrateur anime le récit en donnant la parole aux jeunes filles qui racontent leur ressentiment causé par le terrorisme dans leur localité. Siema, par exemple, devient l’EDI (Elève déplacée interne), après avoir assisté à l’assassinat crapuleux de son père. Tandis que le père de Ursula et celui de Wendemi sont au front au nom de la patrie, afin que des enfants comme Siema n’aient plus à subir. Penda, fille peule, est victime de stigmatisation.

Entre suspens et rebondissements, « Quand passeront nos douleurs » fait échos des cris étouffés par la douleur. Celle endurée par le corps au plus profond de l’âme. C’est le récit d’une tragédie humaine sans raison.

A travers cette œuvre au style digeste, l’auteur présente au lecteur un monde fait de violences, nourri par une perpétuelle conspiration de drame.

Par cette interpellation, le Burkinabè Jean Sylvanus Ouali tire la sonnette d’alarme en touchant les consciences, tout en interrogeant l’essence de l’existence humaine. Au-delà de tout, il convoque la raison et appelle à la responsabilité collective. De ce fait, ce roman est un hymne à la paix, mais aussi à l’espérance de tout un peuple débout contre le mal.

C’est d’ailleurs ce qui justifie ce titre évocateur : ‘’Quand passeront nos douleurs’’, qui traduit l’horreur au bout duquel l’espoir est permis. D’où cet extrait :

 « Un jour passeront nos douleurs,

Le soleil se lèvera à l’Aurore.

Bientôt, mon village, je le rejoindrai.

Dans mes pas, résonnera la liberté retrouvée

Au gré du sang des treillis déterminés,

Auquel se mêlera celui des villageois soudés,

Car dans le silence des cendres froides,

S’éveille le rêve d’une éducation solide.

Là où est enterré mon placenta,

La vie y reprendra ses droits permanents

Sur le sang desséché de mes parents.

Le sang sèche vite au soleil ardent

Surtout quand souffle l’harmattan », P 12.

Masbé NDENGAR

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
commentaires

Haut de page