Il y a deux ans cela que plus de 300 âmes sont tombées sous les balles assassines de monsieur Mahamat Deby Itno. Des milliers de Tchadiens étaient sortis ce jour pour revendiquer le respect des engagements relatifs aux 18 mois de transition. Ils réclamaient également justice et égalité pour tous. Cela n’est pas du goût du fils de l’autre. Ainsi, des rives du Chari aux confins du Sud, c’était une boucherie humaine. A l’occasion de l’an 2, Les Transformateurs ont rendu hommage aux martyrs de la liberté. Leur président, comme il fallait s’y attendre s’est livré à une envolée de discours, devant un parterre de militants venus pour la circonstance.
Depuis les résultats des élections du 6 mai, l’homme s’est muré dans un silence intriguant pour ses adversaires politiques. Mais le voilà ce jour 20 octobre 2024, devant son pupitre… En effet, son discours, lors de la cérémonie d’hommage aux martyrs le 20 octobre 2022, a mis en lumière plusieurs éléments clés qui reflètent les enjeux politiques et sociaux actuels du pays.
Une promesse ferme a été faite à l’entame de son discours, celle de ne jamais oublier le sacrifice des martyrs des évènements du 20 octobre 2022. Il rassure que toutes ses femmes et hommes tombés seront honorées, leurs familles seront indemnisées et la protection pour leurs progénitures sera assurée dans un Tchad nouveau. Pour lui, ils ont fait don de leur vie, la chose la plus chère au monde, au nom de la justice et pour un monde de paix. Dans la foulée il a annoncé la mise en place d’un fonds de dignité collective pour soutenir les familles des victimes. Un million de FCFA a été décaissé de sa poche pour alimenter ce fonds.
Aux orphelins des martyrs, il les invite à ne pas perdre espoir en leur promettant de leur laisser un pays d’espoir où ils pourront réaliser leurs rêves. Dans ce discours de plus de 50 minutes d’horloge où l’émotion se mêle à l’amertume dans la voix, Masra réitère sa détermination à aller jusqu’au bout de sa lutte : « Jamais je n’abandonnerai cette lutte », se veut ferme le leader des Transformateurs qui égrène quelques noms des victimes, plongeant l’assistance dans l’émoi, témoigne leur mine grave. Il a rappelé à ses militants les difficultés de la lutte. Et dans ces difficultés ils doivent apprendre à compter que sur eux-mêmes.
L’ancien locataire de la primature révèle qu’il règne parfois des moments d’incompréhension au sein du parti. « C’est une lutte faite souvent de solitude et d’incompréhension. Mais les luttes d’émancipation vont toujours faire l’objet d’incompréhension », justifie-t-il en faisant savoir que malgré cette incompréhension il a tendu la main pour la réconciliation dans l’intérêt du pays. Il laisse entendre, en substance, que ce n’était pas une naïveté d’accepter signer les accords de Kinshasa mais cela s’est fait sur la base de certains engagements qui ont été pris mais aujourd’hui l’homme se sent trahi. « Nos frères en face veulent marcher sur les engagements. La réconciliation n’est pas la capitulation », prévient Masra, voix grave avant d’ajouter : « Nous sommes prêts à utiliser tous les moyens possibles pour que ce Tchad soit transformé ».
Les élections…
Se prononçant les élections du 29 décembre 2024, Succès Masra a laissé entendre que dans ces conditions actuelles, son parti ne prendra pas part, tout en précisant qu’il ne s’agit pas d’un boycott. L’homme a certainement appris du passé (6 mai 2024) et ne souhaite certainement pas retomber dans les mêmes erreurs. D’or et déjà, il dénonce ces élections dont pour lui « les résultats sont déjà dans les ordinateurs ». Il refuse de jouer le rôle d’un faire-valoir. Morceau choisi : « participer à cette l’élection, c’est servir de caution à l’apartheid et à valider les résultats déjà enregistrés ». Avec le découpage électoral qui crée un mécontentement général ainsi que des manigances qui se trameraient en coulisse, le patron de Les Transformateurs se veut catégorique : « Nous ne voulons pas boire à la coupe de l’électoralisme mais à la coupe de la démocratie », foi de Masra qui a fait savoir que « le nombre des élus pour chaque camp circule déjà ».
Il n’a pas manqué l’occasion de tirer à boulet rouge sur le MPS dont il dénonce la mauvaise gestion depuis plus de 30 ans. « Si certains sinistres acteurs d’hier pensent qu’ils vont continuer ainsi, ils se trompent royalement », avertit-il.
Ainsi, le climat politique semble annoncer déjà ses couleurs…
Masbé NDENGAR