Le président de la junte, Mahamat Idriss Deby Itno, à l’occasion du diner qu’il a offert aux politico-militaires à N’Djamena le 3 septembre 2022, a laissé entendre dans son allocution que « le Tchad est un, uni et indivisible (…). Il n’y aura ni deux Tchad ni deux peuples tchadiens ». Des propos qui ont fait sourire plus d’un, tant dans sa forme que dans son fond. Certains se demandaient si le président ignorait la réalité de son pays jusqu’à ce point. Et pourtant, les deux Tchad avec les deux peuples sont visibles à l’œil nu. Les preuves.
Il y a le Tchad de ceux qui vivent dans des châteaux aux frais du contribuable et le Tchad de ceux qui vivent dans des taudis envahis chaque saison de pluie par des inondations. Il y a le Tchad de ceux qui roulent en V8 et qui les utilisent pour primer les courses des chameaux dans le désert et le Tchad de ceux qui vont à pied. Il existe le Tchad qui mange à sa faim et jette le reste à la poubelle où l’autre Tchad y fouille pour manger. Il y a le Tchad des privilégiés et celui des damnés.
Faut-il rappeler à Mahamat Idriss Deby Itno qu’il doit sa présidence au nom de ces Tchad, c’est-à-dire un Tchad où certains croient qu’ils sont nés pour régner sur l’autre Tchad. N’oublions pas le Tchad de justiciers et celui des suppliciés. Qui ne connaitrait-il pas le visage de ce Tchad de l’injustice et de la discrimination. Il y a le Tchad des diplômés qui chôment et le Tchad des analphabètes qui sont intégrés parfois avec les factures d’eau comme diplôme. Le Tchad des généraux trois étoiles à 27 ans d’âge et celui des militaires sans promotion. Le Tchad des enfants milliardaires et le Tchad des fonctionnaires très pauvres.
Ayant en mémoire le Tchad des gens qui n’ont jamais connu les tracasseries administratives et le Tchad des citoyens qui peuvent passer des mois, voire des années sans obtenir leur passeport et carte d’identité. Le Tchad des meilleurs bacheliers sur le plan national et qui sont abandonnés sans bourse d’études et le Tchad des élèves cancres qui ont droit à tous les moyens. Parlons également du Tchad des citoyens qui circulent librement avec les armes à feu dans des voitures vitres fumées et le Tchad de ceux à qui on retire un simple gourdin.
Notons également le Tchad de ceux qui mentent au président en lui disant que tout va bien en lui écrivant des discours mensongers et le Tchad de ceux qui disent la vérité à ce même président du haut du balcon. Comptons aussi le Tchad de ceux qui peuvent tuer en toute impunité et le Tchad des victimes à qui justice n’a jamais été rendue. Allez-y voir à Sandana.
Il y a le Tchad de ceux qui connaissent le mouroir des centres de santé et le Tchad de ceux qui soignent le rhume à Paris. L’injustice a fini par rompre la ligne verte. Quant à la ligne rouge, elle a été franchie il y a belle lurette. Si jusque-là Mahamat Kaka fait semblant de ne rien voir alors, attendons de voir.
Cet article a été publié dans le journal Le Baromètre N°027 du 12 au 22 octobre 2022, P8
Masbé NDENGAR