Idriss Deby Itno est mort. Un dialogue national inclusif à titre posthume est envisagé par son fils Mahamat Kaka, qui s’est plus préoccupé du pouvoir que de la dépouille de son défunt père. Mais déjà, beaucoup doutent de la sincérité de cette messe. En effet, pour qui sait lire entre les lignes la charte de transition, la junte a la volonté manifeste d’aller au-delà des 18 mois, avec l’intention ostensible de présenter des candidats aux échéances électorales prochaines. Sans compter la répression des voix discordantes, les intimidations et les violations des droits humains. Combien de tchadiens sont-ils morts en si peu de temps ? On se souviendra des fatidiques journées des 27 et 28 avril 2021 où des milliers de compatriotes ont investi rues et ruelles pour dire non à la junte. C’est à coup de kalachnikov que la junte a accueilli ces manifestants pacifiques aux mains nues. Bilan : 16 morts, de dizaines de blessés et de centaines d’arrestations.
Ce boulot macabre du CMT est fait seulement en deux semaines de règne. Et c’est dans ces conditions qu’on envoie une délégation, badges de ‘’réconciliateur’’ au cou, se pavaner dans les capitales africaines et autres pour prêcher l’organisation d’un prétendu dialogue. Et que dire des éléments de la rébellion du FACT faits prisonniers puis sommairement exécutés ? L’un d’eux, le président Modeste a été torturé jusqu’à ce que mort s’en suive. En conséquence, aucune famille de toutes ces victimes de l’horreur n’a l’esprit au dialogue, lequel se prépare au rythme des séquestrations et perquisitions en violation du droit. Pour mémoire, Barka Michel a échappé à une tentative d’enlèvement. Le vice-président du parti Les Transformateurs Dr Yombatina Sitack a vu sa maison littéralement saccagée pendant que sa famille et lui-même étaient à l’église. Bref, il s’agit d’un dialogue dont l’interlocuteur s’invite à la table avec arme à la main.
A toutes ces formes d’insécurité, s’ajoute l’insécurité alimentaire avec son corolaire de vie chère. La priorité actuelle pour les Tchadiens c’est plutôt comment survire. Pas un dialogue ! D’ailleurs, un cœur brisé par l’amertume ne saurait être disponible pour dialoguer. Un esprit perturbé par l’âme d’un proche tué est inconfortable au dialogue. Des yeux imbibés de larmes ne voient pas l’interlocuteur en face pour mener un dialogue, etc. Bref, aucun dialogue n’est possible dans l’impunité, dans l’injustice et dans la misère ! C’est humain !
Un dialogue biaisé
En fait, quel est le but de ce dialogue ? Pour toute réponse objective, nous sommes tout simplement dans le folklore. Car, un dialogue se mène avec sincérité et ne doit pas être un scénario renfermant des séquences teintées de surprises désagréables. Nous sommes en train d’aller immanquablement vers un piège. Chacun de nous est conscient de ce guet-apens mais nous y allons quand même ! Mais nous paierons cash tous le prix de notre incrédulité.
On ne dirige pas un pays en faisant semblant. Une Nation forte est bâtie sur le béton de la vérité et le roc de la justice. Le Tchad a été pendant longtemps une improvisation et nous sommes en train de payer au prix fort la sanction de notre bêtise commise au cours de l’histoire. Apprenons de notre passé, riche en tragédie.
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Le problème de notre pays a un visage qui est connu de tous : l’injustice. Il faut instaurer une justice sociale. Sans cela, tout ce que nous entreprendrons ressemblera bien fort, malheureusement, à un travail de Sisyphe. En effet, il va falloir réconcilier la justice avec le justiciable ; réconcilier la justice avec le justicier et réconcilier le justicier avec le justiciable. Une fois réconcilié avec notre destin, nos visages retrouveront le sourire d’antan dans un Tchad dont les filles et fils poseront les fondations avec la sueur qui perle au front et non avec les larmes au combat. Ce Tchad de destinée commune que nous voulons est encore possible, pour peu qu’on sorte de l’hypocrisie et de la discrimination.
Masbé NDENGAR