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Une jeunesse en quête de liberté: Les artistes Ray’s Kim et N2A, symboles de la résistance

par Ndengar Masbé 12 Mai 2021, 12:16 Jeunesse liberté résistance artistes Ray's Kim N2A

Une jeunesse en quête de liberté: Les artistes Ray’s Kim et N2A, symboles de la résistance

Les personnes arrêtées lors de la manifestation  n’ont pas apparemment regretté leur arrestation ce jour. Fatimé, la trésorière de Les Transformateurs, avait montré un visage joyeux et Ibedou, le poing levé au ciel en signe de victoire. Les autres captifs, sourire aux lèvres, semblaient déterminés à un nouvel assaut. Comme s’ils avaient senti, au lointain, le vent de la liberté souffler sur le Tchad. Ils en ont certainement humé son parfum. Ils sont sans nul doute convaincus que c’est à la sueur de leur front, en battant le macadam et au prix du sang, qu’ils arracheront cette fameuse liberté confisquée depuis des lustres. Oui, le sang innocent a coulé  en ce jour de manifestation. Le drapeau national a été imbibé de sang des marcheurs blessés. Un blessé, allongé sur le sol, a été couvert du même drapeau. Le symbole national a été taché de sang de ses propres enfants qu’ils sont censés aimer et protéger contre toutes adversités.

Malgré ces meurtrissures et blessures, l’hymne national entonné, torses bombés, les marcheurs, pour la plupart nés sous le régime Déby, ont scandé le couplet de la Tchadienne qui leur rappelle que leur liberté naitra de leur courage. Ils ont fait des acrobaties : un pas, un 2e pas puis un 3e et ils s’accroupissent sur le goudron avec des cris de guerriers, s’encourageant mutuellement et s’avançant mains en l’air, vers la liberté.  C’était spectaculaire ! On voyait un groupe qui se détachait pour chuter au lointain des gaz lacrymogènes envoyés par la police sur eux. Puis regagnaient ensuite le groupe. En rang serré, ils fonçaient. Comme des drogués, poings levés, ils traversaient des rues, puis un quartier à un autre en quête du changement.

Une police mal formée

 Essoufflés et aveuglés par la fumée et la poussière, mais rien ne semble entraver leur marche. Même pas la fatigue. Un jeu de cache-cache entre eux et la police qui a du mal à contenir les manifestants, se jouait en plein de cœur de la capitale tchadienne. Cette police, visiblement mal formée, courait toujours après les manifestants,  après que ceux-ci ont fini de brûler un pneu ou accompli une action. Ils ont donné du fil à retorde aux hommes de Paul Manga, caisse de résonnance de la police nationale, un personnage prêt à tout pour satisfaire la hiérarchie. A l’image de Paul de la Bible, persécuteur des chrétiens, Paul [Manga] du Tchad est un  persécuteur de la société civile et de l’opposition qu’il vilipende aux médias publics avec mépris et, souvent, à coup de mensonge. Bref, Paul c’est Paul. 

On observe çà et là, une scène digne d’une guérilla urbaine. Depuis l’affaire Zouhoura, on n’a jamais assisté à un tel remue-ménage dans la capitale N’Djamena. Les t-shirts calligraphiés « Tirez, vivre bien ou mourir », sont fièrement arborés par de nombreux jeunes, surtout le rappeur Ray’s Kim, devenu depuis le début de la désobéissance civile, le symbole de la résistance d’une jeunesse en lutte. Ce jeune rappeur, une grande gueule sans peur, ne se contente pas d’appeler à la révolte, mais conduit lui-même les « opérations ». A l’image de Smockey du Burkina ou du groupe Keur Gui de Y’en Marre du Sénégal, Ray’s Kim décide de prendre son destin en main et avec lui, celui du peuple. Sur l’échiquier artistique, il est sans nul doute le symbole de la résistance d’une jeunesse en quête de la liberté. Son confrère N2A, un habitué également de la rue et des arrestations, lui, a emboité les pas lors des manifs du 20 mars 2021.  A pas de course, l’homme en habit jaune, entouré d’autres jeunes, femmes comme hommes, avançaient  avec force et détermination vers la police. Arrivé à sa hauteur, il s’accroupit et mains en l’air, il se constitue prisonnier en embarquant  volontairement la voiture de la police. C’est un spectacle ahurissant qui vient briser du coup le mythe de la force brutale qu’incarne la police tchadienne, mal formée et corrompue. On l’aura compris, les jeunes sont déterminés à mourir au nom de la liberté. Pendant que Ray’s  Kim et N2A se battent sur le champ d’honneur, Baton Magic, un autre artiste, se transforme en véritable griot du MPS, appelant même au boycott des marches. On se demande finalement au nom de quel « peuple d’abord » chante-t-il. Si Ray’s Kim et N2A seront, un jour, enterrés dans la gloire éternelle du peuple, Baton Magic, lui, sans nul doute, sera enterré au panthéon du déshonneur.

cet article a été publié dans le journal Le Baromètre numéro 024 du 31 mars au 11 avril 2021

Masbé Ndengar

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