Haine, tribalisme, communautarisme, repli identitaire…Ces maux, en plus du coronavirus, aliment le débat au sein de la population tchadienne. Ils puisent tous leur origine dans la discrimination à différents niveaux.
L’ambiance est morose et visiblement la tension est vive, depuis quelques temps entre les Tchadiens. En effet, la discrimination dans les recrutements à différents niveaux a suscité un regain de frustration chez ceux qui sont laissés pour compte, en l’occurrence les Tchadiens de la zone méridionale. D’abord, il y a eu le recrutement à titre exceptionnel des agents de la santé, ensuite la liste des boursiers devant aller étudier au Cuba en médecine. Pour ne citer que les plus récents. Sinon, des cas graves défiant la logique et la raison humaine existent. On a par exemple, par le passé, refusé de publier les résultats d’un concours de recrutement à la police nationale parce que comportant trop de noms à résonnance sudiste. Mais paradoxe, il n’était pas gênant de publier les résultats d’un autre concours d’accès à l’Ecole des Officiers ne comportant presqu’aucun nom de ceux de la partie méridionale.
Un autre fait troublant. Dans un décret du 12 avril 2019, portant promotion des officiers subalternes des forces armées, il figurait moins de cinq noms sudistes sur les 104 hommes concoctés. N’oublions pas également le décret 1372 du 2 septembre 2019, portant nomination des préfets et Secrétaires Généraux, un seul nom à connotation sudiste sur 27 individus. Cette discrimination semble être encouragée au plus haut niveau car on compterait un seul nom méridional parmi 19 conseillers du président. Cette pratique devient presqu’une règle normative. L’écrivain et magistrat tchadien, Djimrabaye Bourngar dans sa lettre du 27 avril 2020 adressée au président Deby, a relevé cet état de fait, reprenant les témoignages de certains anciens ministres originaires du sud. Morceau choisi : « A entendre vos anciens ministres « Sara », ils ne retiennent de leurs passages au gouvernement qu’amertumes, humiliations, frustrations et récriminations, pour avoir expérimenté du racisme dans votre plus proche entourage ou de tous ceux qui se prévalent de votre parapluie ». L’équation est automatiquement déséquilibrée lorsqu’il est question de recrutement, créant un sentiment de frustration.
Vestige du Frolinat
C’est connu, l’exclusion du sudiste ne date pas d’aujourd’hui. Elle puise son origine d’une doctrine politique haineuse qu’est le FROLINAT. Idriss Deby, vestige et dauphin de cette politique de la haine, continue à la perpétuer. Concrètement, c’est quoi le plan satanique de ce mouvement ? Ce sont les décrets de nomination, ce sont les intégrations à caractère tribaliste, ce sont les décorations civiles et militaires. C’est la discrimination et la frustration flagrante de la majorité des Tchadiens issus de la zone méridionale. Et les praticiens ne s'en cachent plus. Si le régime Mps ne met pas fin à cette injustice, il y aura bientôt des voix qui s’élèveront pour exiger deux Tchad. Toutes les conditions sont réunies. Aujourd’hui, le constat est amer, car le Pays se fissure, se disloque et s’assombrit. La Patrie, la Nation, l’Unité nationale et l’intérêt général ne sont plus que de vains slogans. Les enfants de ce pays ne croient plus à l’unité nationale. Le vivre ensemble, la cohésion sociale ne sont que de la poudre aux yeux. Seuls les négateurs de l’évidence y croient en faisant, évidemment, l’Autriche. La haine et le malvivre sont en passe de s’imposer comme des acquis.
Tous s’accordent aujourd’hui que l’institutionnalisation de l’exclusion du sudiste est un fait. Le Tchad est le symbole d’une société qui s’effondre progressivement. Si la situation était déjà grave, la 4e République, un projet porté et exécuté par des gens sans vision, a porté un coup de grâce au mince espoir qui existait encore. Le serment confessionnel, introduit dans le torchon abusivement appelé Constitution, est l’expression d’exclusion qui ne souffre d’aucune ambigüité. Désormais, on assiste à un tri et à un ciblage dans les nominations et recrutements. On le sait, les « Ngar, Mbaye, Didier, Jean, Djim… » sont déjà condamnés par leur acte de naissance. Ce n’est la faute à personne, mais à la géographie qui a lié leur sort. En tout cas, ces noms ne conduisent que dans l’impasse et au sens interdit de la Fonction Publique. Si on ne rectifie pas le tir dès maintenant, c’est le fondement de la République qui en prendrait un coup car désormais le « Tchad un et indivisible » est en train, irréversiblement, de connaitre ses limites.
Cet article a été initialement publié dans le journal Le Baromètre no 021 du 12 au 25 mai 2020
Masbé NDENGAR