Quand on décide de se lancer, on doute beaucoup…. Mais pourtant, il faut bien s’y lancer !
Entrepreneur, dessinateur, formateur en infographie et design industriel, Tompté Belem Blaise, jeune tchadien, originaire du Logone Oriental et du Moyen Chari, n’a pas douté de ses aptitudes et de son talent. D’esprit créatif, dynamique et auto-confiant, ce jeune passionné par les arts, met ses idées et ses talents en œuvre au service des plus jeunes, qu'il veut voir éveiller et bien éduquer. Après l’obtention de son baccalauréat série C en 2011, Tompté Blaise poursuivit ses études à l'Institut Ucac-Icam au Cameroun où il finit Ingénieur généraliste en sciences et techniques industrielle. Mais sa forte passion pour le dessin le rattrape par la suite, ce qui l’amena à lancer officiellement en 2016 sa start-up « Ngon-Bôl » studio de production. Son amour pour le dessin l’amena à réaliser des bandes dessinées spécialisées dans le divertissement familial pour l’éveil et l’éducation des enfants. « Bobo et Noupi » tel est l’intitulé de son œuvre déjà sur le marché, réalisé grâce à l’assistance et la collaboration acharnée d’un staff dynamique et talentueux orienté par un même objectif. TOMPTE Blaise, 26 ans, veut être un « Disney Tchadien ». Il est engagé sur ce chemin artistique qu’il a emprunté tout en luttant à surmonter les obstacles et difficultés qu’il rencontre afin de réaliser tous ses grands projets.
Intéressés à son sujet et voulant en savoir plus sur lui, nous lui avons tendu notre micro et ainsi réalisés l’interview dont voici :
- Bonjour et merci d’avoir accepté notre invitation pour cet entretien. Pouvez-vous, vous présentez à nos lecteurs ?
Merci pour cet honneur. Je m’appelle Belem Tompté Blaise, jeune entrepreneur Tchadien avec la start-up « Ngon-Bôl ».
- Que signifie le concept « Ngon-Bôl » ? D’où vous est venue cette idée ?
« Ngon-Bôl » signifie littéralement « enfant-lion » en Sara. Quand j’étais petit ma mère me racontait que nous descendons de la tribu des hommes-lions et que le lion est notre totem. En plus de cette histoire le lion m’a accompagné dans tout mon parcours, il constitue ma source de motivation, de courage par son symbolisme. Initialement j’ai voulu appeler mon studio « Blaisytoon » mais je me suis dit ça ferait trop européen alors j’ai décidé de créer une marque inspirée da ma langue maternelle et correspondant à mon identité, d’où Ngon-Bôl, l’enfant lion.
Légalement, Ngon-bôl est enregistré comme studio d’animation et de divertissement pour enfant. Nous faisons aussi d’autres services en infographie et en dessin industriel.
- Ingénieur polytechnicien de formation, mais pourquoi vous être adonné aux arts, à la réalisation des bandes dessinées ?
Je veux me sentir épanouir dans mon travail et cet épanouissement vient non pas du salaire mais de la passion que j’ai pour le travail. Un vieux chinois Confucius disait, « choisis le métier qui te plait et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie ». Cette parole est devenue pour moi comme une devise et ma formation d’ingénieur est un outil pour mieux définir mes objectifs et les atteindre.
- Vous êtes-vous formé au dessin ? Comment est née votre passion pour le dessin ?

Je n’ai jamais mis pieds dans une école de dessin mais j’ai toujours aimé lire et dessiner. D’après ma mère, je dessine depuis tout petit. J’ai d’abord commencé à dessiner sur le sol de notre cour familiale (et gare à celui qui va marcher sur mes dessins) et en âge scolaire, j’ai commencé avec l’ardoise puis le papier pour arriver où je suis aujourd’hui. Après mon baccalauréat j’ai eu l’occasion de me perfectionner au coloriage grâce aux tutoriels que je télécharge sur YouTube ou sur le Net.
- De quoi parle votre œuvre « Bobo et Noupi » ?
Bobo et Noupi est une bande dessinée qui porte le nom de ses personnages principaux. C’est l’histoire de deux enfants très curieux qui apprennent le savoir-faire et le savoir-vivre inspirée des contes et légendes de la culture africaine. Les œuvres Bobo et Noupi sont disponibles en bandes dessinées, livres de coloriages et bientôt en dessin animé.
- A quels genres de difficultés vous êtes-vous confrontés ?
Comme toute Start-Up, la difficulté qu’on rencontre actuellement est celui de se faire connaitre. Après bientôt une année de fonctionnement officiel, notre défi principal est de renforcer notre stratégie du mix-marketing (Produit, Prix, Distribution, Communication) pour augmenter la production et nous étendre dans d’autres pays africains que le Tchad et le Cameroun où nous sommes actuellement.
- Quelle est votre routine quotidienne en dehors de vos dessins ?
En dehors de mes dessins, je suis grand-frère, je suis sportif ou je suis à la messe ou en promenade avec ma petite amie (rire). D’une manière quotidienne je travaille pour faire grandir le projet. Etant donné que Ngon-Bôl ne se limite pas qu’au dessin et surtout que nous sommes une petite équipe, tout le monde fait tout.

- Quels sont vos projets futurs?
Depuis la création de l'entreprise, nous tournons en grosso modo sur un rythme de neuf (09) publications par ans (6 livres de coloriages et 3 livres de lectures). A l'heure actuelle, notre catalogue compte 3 livres de lecture et 3 de coloriage et nos éditions sont distribuées dans moins d’une dizaine de ville comme N’Djaména, Moundou, Douala, Yaoundé, Limbé, Paris, Toulouse et Ouagadougou. Notre ambition est de nous faire repérer des libraires en soignant notre image de marque. Comment ? En donnant la priorité aux beaux albums plutôt que de produire dans tous les sens. Ensuite, vers 2018, nous réfléchirons à élargir l'éventail, car il est difficile de vivre de la seule vente d'albums. Avec le numérique qui est à la mode, nous avons planifié de lancer des nouveaux produits dans ce domaine (livres numériques, jeux pour tablettes, dessins animés (audio-visuelle)).
- Le marché de la bande dessinée pour enfant est-il porteur au Tchad ?
Tout peut marcher au Tchad car notre pays est encore vierge. Il suffit de bien identifier le besoin et de définir la bonne stratégie pour le vendre.
- Quel est l’intérêt de la bande dessinée dans un pays comme le Tchad où la priorité c’est de s’alimenter, se soigner, s’instruire, etc. ?
Je peux dire simplement que dans un pays comme le Tchad, la bande dessinée est l’outil qu’il faut pour apprendre à bien s’alimenter, bien se soigner et à mieux s’instruire. La communication par l’image permet de dire en un dessin ce qu’on dira en des centaines de mots.
- En mai 2016, vous avez organisé un atelier du livre pour enfant (qui fut le tout premier du genre) à l’Institut Français du Tchad à N’Djamena. Quel(s) souvenir(s) gardez-vous de cette expérience ?
Oui, le 28 mai 2016 nous avons organisé le lancement de notre première bande dessinée pour enfant. Nous avons été honorés par la présence de nombreux enfants venus de diverses écoles maternelles avec leurs parents participer aux jeux concours et découvrir Bobo et Noupi, les héros pour enfants tchadiens. Ce chaleureux accueil des parents et les acclamations du public pour ce projet de littérature pour enfant, qui est une première au Tchad et en Afrique centrale nous a permis de construire une base solide pour avancer dans notre aventure.
- Pensez-vous que le système éducatif tchadien (à l’école comme dans les familles) arrive à bien éveiller l’esprit des enfants ou en voyez-vous des manquements?
On est dans un système ou l’enfant est orienté vers le « par cœur » et non vers la bonne assimilation de ce qu’il apprend. Le système éducatif tchadien a besoin d’être revu et révolutionné et cela pas seulement par le ministère en charge mais aussi par les parents. Nous devons aussi enseigner à nos enfants, nos valeurs traditionnelles qui se perdent aux profits de la télé ou de la littérature étrangère. Pour ce faire, nous nous devons d’encourager la production locale des manuels et supports éducatifs utilisés dans nos écoles.
- Vie chère, suppression des bourses des étudiants, chômage grandissant, grèves, arriérés des salaires... Quel avis pouvez-vous partager de cette situation qui sévit dans votre pays le Tchad ?

Pour reprendre les expressions de mon compatriote Andréas Koumato, porteur de la start-up Mossosouk.com, «Dans un pays comme le Tchad, chômer est un état d’esprit ». Cette affirmation se justifie par le fait que le Tchad est une mine d’or à exploiter et on ne peut pas tout attendre du gouvernement. La fonction publique ne peut pas accueillir tous les tchadiens ayant fini leurs études et un pays où l’Etat est le plus grand employeur est un indice de pauvreté. Afin d’aider notre pays à sortir de cette situation honteuse, le secteur privé doit être développé et les idées ne manquent pas.
- S’il vous est demandé d’adresser un mot d’encouragement et de motivation à la jeunesse tchadienne déstabilisée par ces faits, que serait-il ?
Aux jeunes qui ont des idées et qui veulent être acteurs du changement dans leur pays, je partagerais ce conseil: quand on décide de se lancer, on doute beaucoup. Il faut faire en sorte que ces doutes ne paralysent pas, mais qu'ils soient un motif pour se surpasser. Il faut aussi être un bon gestionnaire et avoir conscience que le métier de créateur d'entreprise est très surprenant
- Avez-vous un mot de la fin ?
Vous portez ma voix et mes expériences plus loin, alors je vous en remercie. J’inviterais aussi ceux qui veulent nous suivre à le faire sur notre site internet www.ngonbol.net ou sur nos pages Facebook Bobo&Noupi et Blaise Tompte.
Interview réalisée par Menodji NEKAR