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Tchad : 1 an après, Abou Nidal raconte de A à Z les circonstances de la mort du martyre Abachou

par Ndengar Masbé 16 Février 2017, 16:44 Tchad Abachou martyre

Tchad : 1 an après, Abou Nidal raconte de A à Z les circonstances de la mort du martyre Abachou

Le mois de février est un triste souvenir pour bon nombre de tchadiens. On ne refera l’histoire. On se rappelle que c’est en ce mois que Zouhoura, jeune lycéenne de 16 ans a été violemment violée par un collectif de jeunes mal éduqués qui ne sont rien d’autres que les fils des dignitaires du régime. Des manifestations de soutien à la jeune fille se succédaient les unes que les autres. Les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles : Abachou, 17 ans est tombé sur ces balles assassines. Abou Nidal, un autre jeune, téméraire, assoiffé de la justice et auteur de récit, retrace étape par étape, heures après heures les évènements qui se sont déroulés : il raconte l’horreur : « j'ai vu un GNNT chargé son arme et tire non pas en l'air mais en visant les manifestants surtout en ténue d'école », raconte-t-il tristement. Voici comment, Abou Nidal, aveuglé par le brouillard de gaz lacrymogène, raconte comme témoigne oculaire, les circonstances tragiques de la mort du jeune martyr Abachou. Le drame s’est déroulé de 8h à 14h soit 6 heures de temps durant. Nous vous proposons l’intégralité de son témoignage combien hallucinant, parvenu à notre rédaction.

 

Mon témoignage de la journée du martyr Abachou

Il est exactement 8h du matin quand je sors discrètement de la maison pour me rendre au lieu du rassemblement, car je savais que si je disais ça à ma mère, elle m'aurait empêché de participer... c'est l'instinct maternel et je comprends très bien.

Lorsque j'arrive au niveau du lycée de la liberté, je trouve des lycéens bloqué par les GMIP...comme je n'étais pas en ténu d'école, j'ai pu traverser cette barrière facilement. Mais avant que j'arrive au domicile de la jeune fille, deux lycéens sur une moto '' dame'' arrivent en vitesse à côté des policiers et arrachent presque furtivement le bâton d'un des policiers en faction...ils sont applaudis par leurs camarades. C'est le premier trophée du jour.

Les gens arrivent individuellement ou en petit groupe, lorsque nous nous sommes suffisamment rassemblé, les filles prennent la tête du cortège avec des banderoles en soutiens à la jeune zouhoura.

On chantait l'hymne national en continu et sans arrêt, direction le palais de justice. Juste à 400m de la concession de la jeune fille, nous sommes bloqués par une barricade des policiers, l'un d'entre eux a voulu nous lancer des lacrymogènes mais son collègue l'en a empêché. Le commandant ordonne à ses hommes de lever le camp.

La colère et la nostalgie se lisaient sur les visages des manifestants...Au fur et à mesure que nous avançons, le cortège s'agrandit, avec une trentaine de jeunes, nous décidons de prendre la tête du cortège pour protéger nos sœurs.

Nous arrivons devant la cour suprême, on enclenche l'hymne national, on se regroupe et maintenant pour traverser le rond-point du palais du 15 janvier, les GMIP nous empêchent.

Nous devions leur barricade en empruntant l'axe inverse juste à côté de l'hôtel kempinski... la circulation est bloquée, des jeunes manifestants stoppent quelques automobilistes portant des casques pour leur demander de les retirer... nous nous sommes très vite intervenus pour leur signifier que ce n'est pas notre objectif de ce matin.

La marche continue vers le palais de justice de Ndjayré. Lorsque nous dépassons un peu le ministère de pétrole, j'ai vu des projectiles ayant des fumées dans le ciel...je demande à mon camarade de quoi il s'agit ? Il me dit que c'était les bombes lacrymogènes... malgré ça la marche continue et de façon très organisée.

A un peu plus de 100 m du ministère de pétrole, des GMIP embusqués dans les rues avoisinantes sortent avec leurs véhicules et foncent directement sur nous tout en lançant des bombes lacrymogènes.

Les gens accourent dans tous les sens, des jeunes filles s'évanouissent... J'ai vu un jeune homme s'arrêté malgré que la police est à nos trousses, prendre la bombe et se retourner vers les GMIP et leur lança ce lacrymogène. J’étais ébahi. Il était vraiment courageux.

J'avais emprunté la route menant derrière le palais du 15 janvier avec quelques manifestants...la police nous poursuit et lance sans arrêt les bombes lacrymogènes.

Nous avions trouvé refuge chez les gens qui fabriquent les briques. Ils nous ont donné de l'eau pour se nettoyer le visage, car nous étions asphyxiés par ces fumées. Des jeunes courageux avec leurs motos nous apportent des bouteilles de cristal et des mouchoirs.

À ce moment-là je prends mon téléphone pour me connecter et je demande en ces termes'' où est-ce que vous êtes? Nous sommes coupés du cortège''. Un certain Kally Mht me répond que nous devons rejoindre le domicile de la fille.

Les manifestants en colère prennent des cailloux et lancent sur les policiers, ces derniers esquivent et les chasses.

À 12h 30, arrivé au domicile de la fille, j'ai vu un GNNT chargé son arme et tire non pas en l'air mais en visant les manifestants surtout en ténue d'école.

J'ai compris que la marche est terminée. Je rentre chez moi... sur facebook un message laconique du président de la République est partagé plusieurs fois.

Ce jour-là je me suis senti Tchadien, j'étais très fier d'avoir participé à cette marche pour la justice...ce sentiment de nationalisme qui m'envahissais s'est vite évaporé en apprenant qu'un des manifestants est blessé au genou...une vidéo de lui tourne en boucle, on y voit un jeune aidé par ses camarades qui traînait son pied par terre.

À 14h j'apprends qu'il est décédé à l'hôpital (ndlr Abachou)...sa mort m'as marqué jusqu'à aujourd'hui, je pense toujours à lui.

انا لله وانا اليه راجعون اللهم اغفر له وارحمه وتجاوز عنه واجعله مع الصديقين و الشهداء و الصالحين.

Abou Nidal

 

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