Difficilement nous avons traversé l’année 2015. Lorsqu'elle pointait son nez, j’avais réellement peur. Pas la peur de l’inconnu, mais du sort du peuple, surtout du vulgum pécus, majoritaire et sans défense. Ma peur a été fondée: grèves, sit-in, villes mortes, déclarations, marches, cessations de travail, etc. se sont enchainés. Les salaires ne sont guère versés. Le trésor public est devenu trésor privé rendant certains individus plus riches que l’État. L’argent du contribuable est utilisé pour l’épanouissement des petites cousines et petits cousins, des enfants de la grande sœur et du grand frère qui s’ennuient. Peuple docile, nous, Tchadiens acceptons volontiers d’encaisser la misère en se nourrissant d’espoir au rythme de « ça va aller ». Le chemin est long et la marche est loin d’être terminée.
Le peuple agonise sous prétexte que le prix du baril de pétrole a considérablement baissé. Deux interrogations s’imposent :
- où sont rentrées les recettes traditionnelles issues des impôts et taxes ; de l’agriculture et l’élevage ; de la pêche et de la cueillette ?
- Comment s’en sortent les autres pays pauvres et non producteurs de pétrole ?
Bref, est mis en œuvre pour conduire le peuple dans les couloirs de la mort.
Mais que nous réserve l’année 2016 ? Lancinante question. On n’a pas besoin de consulter les oracles pour le savoir. L’évidence s’offre à nous.
Peut-on envisager avec sérénité l’avenir de notre pays avec ceux qui nous dirigent aujourd’hui ? L’avenir de notre pays est non seulement fragile mais incertain. Inutile de faire une quelconque autopsie de la République pour déterminer la cause de sa mort. On la connait.
« Il faut attacher la ceinture », a annoncé Deby en 2015. Mais cette année 2016, il va falloir ajouter la corde à la ceinture. La preuve, d’ors et déjà, le trésor public est confisqué pour la campagne électorale de 2016. Et on ne sait dans quelle guerre, en plus de celles du Mali, du Nigeria et du Cameroun le pays va s’y engager. S’il existe un pays au monde qui s’engage dans une guerre sans planification économique et financière, c’est bel et bien le nôtre. Dommage !
L’Assemblée Nationale aurait déjà fini de consommer le budget de 2015 et a anticipé sur celui de 2016. Où se trouve donc l’avenir avec une telle gestion ? Mendiant de l’espoir, nous le serons encore pendant longtemps aussi longtemps que nous confions notre destinée aux charlatans de l’espoir.
L’argent du contribuable est alloué aux loisirs des petites cousines et petits cousins, des nièces et neuves, des frères et sœur ; bref à la petite famille. Le pillage du trésor public pour enrichir les trésors privés rend plus riche les individus que l’État.
En 25 ans de règne sans partage, dans l’impunité et l’injustice, l’insécurité et l’obscurité on est passé de la pauvreté accrue à la misère sévère. Le peuple est muselé et bâillonné. Pas d’eau potable avec environ 10% de fourniture en électricité sur le territoire national. Il y a de quoi paniquer.
« Je n’ai ni or ni argent, mais la liberté », nous a-t-on promis en 1990. Faut-il rappeler à Deby que nous ne sommes pas Sekou Touré qui a préféré la liberté dans la pauvreté? Nous, nous exigeons la liberté dans l’opulence. La liberté et l’opulence ne sont pas incompatibles ! Bien au contraire. Mais quelle liberté nous a-t-on offerte ? Celle qui réprime dans le sang toute manifestation ? Celle qui maintient le peuple dans la crainte et la peur permanente ? Celle qui contraint le peuple à se retrouver au fond du tombeau. L’espoir, s’il existe, alors il est bien maigre.
Pendant deux décennies et demie, on nous a voilé la face. Pendant plus d'un quart de siècle sans aucun espoir d’alternance moins encore de changement, on nous a gavé des mots qui font feu d’artifice. De la Renaissance à l’Émergence ou encore N’Djamena la vitrine de l’Afrique. Quel autre charabia nous sera chanté en 2016 ? Une chose est sûre, la Renaissance nous a recruté des flics analphabètes et des enseignants sur le tas qui ne savent à peine lire. La liberté d’expression s’est évanouie. La Renaissance nous a promis l’espoir qu’on n’a jamais retrouvé. La Renaissance nous a dit de reculer pour mieux sauter mais derrière nous, elle a creusé des fossés. L’horizon est blafard.
Peuple docile, habitué à vivre les pires formes d’injustices, les Tchadiens sont responsables de leur sort : « un esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas qu’on s’apitoie sur son sort », Thomas Sankara. Peut-on aussi croire à l'adage selon lequel « chaque peuple mérite son dirigeant ?» Au nom de la misère, de l’atrocité et de la peine que le peuple endure, je crois humblement que le peuple Tchadien mérite mieux que ceux là.